La tarte au silence :
Il était une fois, dans un monde parfait, le village du Vrai ; et dans ce village, une petite fleur qui voulait pousser l'hiver.Elle avait de jolis arguments : ainsi toutes les saisons seraient fleuries, même loin du chaud soleil. Elle répandrait sa beauté sur le monde et parfumerait les chaumières engourdies de froid.
Mais, à chaque fois qu'elle pointait le moindre petit bourgeon sous la neige, la bise mordante de l'hiver la grillait ou la ratatinait sur place. Elle retournait vite panser ses plaies et se réfugier profondément sous la terre, hurlant son mécontentement.
La pauvre petite fleur s'épuisait dans son vain acharnement, criant et pleurant toutes les larmes de rosée de ses pauvres pétales gelés.
Un jour pluvieux, alors qu'elle s'apprêtait à retourner dans son abri de terre, elle aperçut un petit poisson qui remontait le ruisseau à contre-courant.
"Mais comment accomplis-tu cet exploit?", lui demanda la fleur."Tous les autres poissons sont emportés par le courant et vont dans le même sens! Quel est ton secret ?"
-"Je cuisine la tarte au silence...!", lui répondit calmement le petit poisson. "Au début, j'étais comme toi, j'essayais encore et encore, usant toute mon énergie, au risque de me faire happer par un ours affamé. Et puis, un jour, j'ai simplement attendu et écouté : la nature me parlait !
"J'ai faim, j'ai faim !" murmurait-elle. "J'ai faim de silence, car le silence est la nourriture de l'hiver. Prépare-moi une bonne tarte au silence et j'exaucerai ton souhait."
-"Alors", continua le poisson," avec beaucoup d'amour et d'attention, je me suis mis à cuisiner chaque jour de l'hiver, une tarte au silence pour l'offrir à la nature."
La petite fleur, habituée à se rebeller haut et fort, comprit que, pour se faire entendre, il fallait patiemment nourrir le monde qui nous gouverne ; une fois rassasié, il finirait bien par l'accepter et satisfaire son voeu.
Ainsi naquit la première edelweiss, grande cuisinière de tarte au silence.
Véronique (de la fleur à l'étoile).
